Les traitements de semences insecticides

Les pesticides utilisés en milieu agricole ont fait couler beaucoup d’encre au cours des dernières années. Parmi les sujets ayant fait les manchettes, il y a la modification du Code de gestion des pesticides par le Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) en 2018. Voici les principaux enjeux qui ont mené aux changements de règlementation au niveau provincial : la qualité de l’eau dans les cours d’eau du Québec, la protection des abeilles et autres pollinisateurs et les risques pour la santé et l’environnement, liés à l’utilisation de pesticides. Bien que l’homologation des pesticides, l’analyse et l’approbation des étiquettes soient sous législation fédérale, des lois et règlements provinciaux peuvent imposer un encadrement supplémentaire à leur utilisation ; nous sommes tous tenus de nous y conformer, autant les agriculteurs que les agronomes et technologues.

Une nouvelle classe de pesticides : la classe 3A
En 2018, avec cette modification du règlement, une nouvelle classe de pesticides a été créée. La classe 3A regroupe les néonicotinoïdes clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame enrobant les semences des cultures d’avoine, blé, canola, maïs (grain, fourrager et sucré), orge et soya. La création de cette classe permet de soumettre les néonics utilisés en traitement de semences (mieux connus sous leurs noms commerciaux tels que : Cruiser 5FS et Poncho 600FS (250), pour ne nommer que ceux-ci) à l’obligation d’obtenir une prescription et une justification agronomique signées par un agronome pour l’achat et le semis. Résultat ? L’objectif ministériel de réduire l’utilisation des pesticides de la classe 3A s’est rapidement soldé positivement par une quasi-absence d’utilisation de néonics dans les cultures de maïs et soya au Québec. Effectivement pour la saison 2021, les néonics comme traitement de semences ont été largement abandonnés par le milieu agricole.

Sous la loupe
En général, les semences peuvent être achetées non-traitées, ou enrobées, soit de fongicides, soit d’insecticides, ou d’une combinaison des deux. Les fongicides protègent les semences et les jeunes pousses contre différentes maladies présentes dans le sol alors que les insecticides repoussent les insectes qui pourraient s’y attaquer. Il existe deux principaux ravageurs ciblés par les traitements de semences insecticides, soit le ver fil-de-fer (VFF), principalement retrouvé dans la culture du maïs, et la mouche des semis, qui s’attaque davantage au soya. Il y a aussi, relayés au second rang en ordre d’importance : le ver blanc, le ver-gris noir et la chrysomèle des racines, tous surtout présents dans le maïs.

Pour l’instant, ce sont surtout les traitements de semences insecticides (TSI) qui sont sous la loupe du ministère. En 2021, au moment d’écrire ces lignes, il est important de comprendre que les traitements de semences insecticides non-néonics ne sont pas soumis à aucune loi ou règlement du MELCC. Ainsi, le chlorantraniliprole (Lumivia) et le cyantraniliprole (Fortenza), ont largement remplacé les néonics pour le traitement des semences au cours des trois dernières années.

Malheureusement, tous les produits insecticides utilisés en traitement de semences présentent un potentiel de lessivage élevé et sont donc tous susceptibles de contaminer les eaux souterraines et de surface. Les insecticides non-néonics cités précédemment ont des indices de risque pour la santé (IRS) et l’environnement (IRE) plus faibles et sont moins dangereux pour les abeilles mais ils sont très toxiques pour les invertébrés aquatiques. La santé des nombreux cours d’eau en milieu agricole étant une préoccupation que le ministère et plusieurs acteurs du milieu partagent, ils sont analysés régulièrement depuis déjà plus de dix ans. La tendance observée dernièrement est une diminution de la présence des insecticides de la famille des néonics, mais une augmentation des quantités de chlorantraniliprole (Lumivia) et de cyantraniliprole (Fortenza) détectées. Puisqu’une bonne proportion des insecticides est exportée vers les écosystèmes par le ruissellement de surface, la faible présence de bandes riveraines adéquates au Québec contribuerait pour beaucoup aux résultats obtenus suite à l’analyse des cours d’eaux.

Une nouvelle grille de référence et ligne directrice pour les agronomes
L’Ordre des agronomes du Québec (OAQ) a collaboré avec des professionnels du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) et du MELCC pour rédiger une grille de référence et ligne directrice sur les traitements de semences insecticides dans le maïs et le soya, destinée aux agronomes et aux professionnels œuvrant en phytoprotection. Ce document, paru à l’automne 2020, vise à encadrer les recommandations de TSI, qu’ils contiennent ou non un néonic, en proposant un arbre décisionnel. Il est donc dorénavant de la responsabilité professionnelle de l’agronome d’utiliser cette nouvelle grille de référence pour recommander ou non un TSI contre le VFF, la mouche des semis, ou un autre ravageur problématique.

Les responsabilités de l’agronome
La recommandation d’un TSI, comme celle de tout pesticide, constitue un acte agronomique réservé ; par conséquent, cette recommandation doit être justifiée et signée par un agronome. La grille de référence stipule notamment que l’utilisation des TSI doit être recommandée en dernier recours. Cela signifie que la recommandation de l’agronome doit être basée sur une analyse agronomique, en se servant de l’arbre décisionnel inclus dans le document. Le professionnel devra donc tenir compte des facteurs de risque associés aux champs de l’entreprise agricole, de la présence et de l’abondance des ravageurs des semis, et proposer des mesures préventives et des méthodes de lutte alternatives lorsque c’est possible. Évidemment, lorsqu’il y a un historique d’infestations ayant causé des dommages économiques, l’utilisation d’un TSI est facilement justifiable. De là, l’importance de bons suivis aux champs, documentés et conservés au dossier du client.

Les responsabilités de l’agriculteur
L’agriculteur, quant à lui, doit comprendre l’importance de bien documenter tout problème phytosanitaire afin de bâtir un historique de la présence de ravageurs s’il désire poursuivre l’utilisation à moyen-long terme de traitements de semences insecticides. Il peut collaborer avec son agronome pour démontrer les dommages dans ses champs, participer aux efforts de dépistage afin d’améliorer l’évaluation du risque. L’agriculteur a aussi la responsabilité de répertorier dans un registre d’utilisation toutes utilisations de pesticides. Or, les traitements de semences néonics, faisant partie de la classe 3A, doivent être inscrits dans le registre d’application. Ce registre doit être conservé pour une période de cinq ans suivant l’année d’application.

Voici qui conclut un tour d’horizon sommaire de la règlementation et des règles de l’art qui visent l’utilisation des traitements de semences insecticides au Québec. De plus en plus, nous devons faire un usage raisonné des pesticides, si nous ne voulons pas en arriver à être complètement privés de ces technologies, développées et approuvées sur des bases scientifiques, et utilisées au travers de l’Amérique du Nord. Comme avec tous les pesticides, le principe de lutte intégrée doit s’appliquer aussi aux TSI, et nous devons les considérer comme un outil, parmi plusieurs autres, à utiliser au besoin dans le cadre d’une saine gestion de la phytoprotection.


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