Les virus, un casse-tête ?

C'est le 27 juillet 2022 que la première mention de plants de cucurbitacées virosés est apparue dans le bulletin du RAP (réseau d’avertissement phytosanitaire). Il s’ensuivit une multiplication rapide des zones infectées, une aggravation des symptômes et l’étendue des virus à d’autres cultures (particulièrement les poivrons, tomates, aubergines et haricots frais). À partir de la mi-août, des rencontres hebdomadaires ont été organisées par le MAPAQ avec diverses instances touchées pour discuter de l’évolution de la situation. Plusieurs questions ont été soulevées lors de ces rencontres, entre autres à propos du manque de connaissances des différents virus rencontrés, du cycle biologique des virus dans l’environnement et de la dynamique des populations locales d’insectes vecteurs.

Cela faisait 15 ans qu’une telle situation n’avait pas été vue au Québec ! Les équipements et les méthodes d’analyses ont grandement évolués depuis ce temps au Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection (LEDP). C’est pour cette raison qu’une campagne d’identification des virus a été proposée aux producteurs touchés. Cette dernière a révélé que la majorité des échantillons était infectée par plus d’un virus et que les plus importants étaient le CMV (cucumber mosaic virus) et quelques Potyvirus (WMV – Watermelon mosaic virus, ZYMV – Zucchini yellow mosaic virus et PRSV – Papaya ringspot virus). Plusieurs études montrent que l’addition de virus dans une même plante amplifie les symptômes observés et affaiblit grandement la plante, ouvrant la porte à d’autres infections fongiques ou bactériennes. Un autre facteur très important sur l'évolution de la situation est le stade de croissance de la plante lors de l’infection ; plus elle est jeune, pire sont les symptômes et l’impact sur le rendement.

L’été passé, le principal vecteur (le puceron du soya) a été dépisté vers la mi-juillet dans les champs de cucurbitacées. L’apparition de symptômes viraux concorde avec le temps d’incubation (7-14 jours). Le puceron du soya a un mode d’infection non persistant, ce qui signifie que le virus ne se multiplie pas dans le plant et qu’il est transmis par le stylet lors de la piqûre. Le virus survit seulement quelques heures dans le stylet. Dans les cultures horticoles, l’infection se fait majoritairement lors des piqûres d’exploration. Les pucerons ailés recherchent de nouveaux champs de soya à coloniser et sont attirés par la verdeur des plants. Ils piquent divers plants pour ¨goûter¨ la culture : si ce n’est pas du soya, ils continuent leur recherche en piquant de nouveau. Les plants ainsi infectés deviennent immédiatement porteurs et peuvent à leur tour infecter des pucerons venus explorer. C’est ainsi que les zones présentant des symptômes s’intensifient sur plusieurs jours.

L’été dernier a été marqué par des populations très élevées de pucerons du soya, autant dans cette culture que dans d’autres cultures. Lorsque les populations sont aussi élevées, le nombre d’adultes ailés augmente, accroissant par le fait même le potentiel de transmission. Cependant, la relation directe entre les populations dans la culture du soya et le niveau d’infection par les virus dans les cultures horticoles est encore nébuleuse à ce jour. D’autant plus que les souches de virus présentes dans les plants de soya (qui est une plante hôte asymptomatique de plusieurs types de virus) ne seraient pas les mêmes souches que celles trouvées dans les cultures horticoles, pour le CMV par exemple. L’infection des pucerons viendrait donc d’ailleurs… Est-ce que des pucerons déjà infectés pourraient arriver des États-Unis par les courants-jets ? Est-ce que ce sont des mauvaises herbes porteuses qui ont contaminé des pucerons allés y faire des piqûres d’exploration ? Il existe plus de 2000 espèces végétales pouvant servir d'hôtes au CMV ; pour les Potyvirus, le bassin de plantes hôtes est un peu plus réduit. Chose certaine, la météo a grandement influencé à la hausse les populations de pucerons qui ont par la suite transporté avec eux les différents virus vers les cultures horticoles.

Malheureusement, après l’infection, aucun traitement n’est possible pour contrer le virus. Il se promène dans la sève et affecte immédiatement les points de croissance. Si la culture est en pleine croissance végétative, cette dernière arrêtera et un plant nain et crispé en résultera. Lors du grossissement des fruits, l’acheminement des nutriments par la sève vers ces structures en développement est abondant, donc le virus affectera la grosseur, la coloration, la forme et même l'état des cellules internes des fruits. C’est ce dernier symptôme qui a touché le plus le secteur des concombres de transformation, car des parties de la chair sous la pelure devenaient translucides et engendraient de la pourriture lors de l’usinage. Pour le marché frais, la perte de rendement par la diminution de la floraison a été l’impact principal. L’aspect esthétique a également été un enjeu dans la commercialisation. Par la suite, les récoltes entreposées ont connu une dégradation grandement accrue. La principale maladie fongique, Stagonosporopsis (un type de Pourriture noire) a proliféré très rapidement, engendrant des pertes considérables. La fraîcheur et l’humidité de la première semaine de septembre présentaient les conditions parfaites pour ce champignon, augmentant les risques d’infection. Aucune corrélation claire n’a été faite entre l’infection fongique et celle virale, mais l’ensemble des courges analysées présentaient au moins un virus en plus du champignon, ce qui pourrait laisser croire que la présence d'un virus rend la récolte plus sensible aux autres infections.

Suite à cette année difficile, le gouvernement a mis en place un budget pour 3 projets spéciaux. Premièrement, une grande étude sera effectuée sur les plantes réservoirs, des plantes indigènes porteuses de virus, mais asymptomatiques. Cette étude permettra de les identifier et de voir si elles sont porteuses de la souche horticole des virus. Deuxièmement, le dépistage des pucerons par les membres du RAP sera accru, pour les identifier dès leur arrivée et surveiller l'apparition de symptômes viraux. En dernier, Madame Geneviève Labrie du CRAM (Centre de recherche agroalimentaire de Mirabel) évaluera 3 méthodes de prévention possibles : soit l'utilisation d’huile minérale pour couvrir le feuillage, ce qui interférerait avec le stylet des pucerons, l’application de Kaolin (poudre d’argile blanche soluble) pour diminuer l’intérêt des pucerons et l’utilisation de cultures intercalaires trappes (elles seraient plus attractives pour les pucerons que la culture principale).

La saison 2022 fut un casse-tête autant pour les producteurs que pour les intervenants ! Plusieurs questions restent mais des pistes de solutions apparaissent pour le futur. Lorsque c’est possible, choisir des hybrides avec des tolérances aux virus diminue les pertes. Avec des conditions propices aux pucerons, un dépistage accru des cultures horticoles et leurs alentours est primordial. Une récolte hâtive des champs infectés diminuerait l’incidence des symptômes. N’hésitez pas à communiquer avec votre conseiller Agrocentre pour discuter d’un plan de match  propre à vos besoins !


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